Le site des Moulins de France
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Chaque année l’assemblée générale, nous donne l’occasion de nous retrouver des quatre coins de France dans une région nouvelle et de mettre à contribution un de nos adhérents pour l’organisation du séjour des participants. C’est aussi l’occasion de solliciter les élus locaux et la presse locale et de leur présenter nos travaux. La région Poitou Charente était notre destination principale cette année, Patrick Agard et son équipe de l’Association de Sauvegarde des Moulin Charentais, les organisateurs : la banlieue d’Angoulême, à deux tours de roues de la capitale de la Bande Dessinée (après avoir perdu son titre de capitale de la papeterie).

Le vendredi 11, d’Angoulême à Nontron nous avons suivi les méandres du Bandiat, avec vues plongeantes sur les biefs, les roues des nombreux moulins et le spectacle de quelques uns en ruine (mais peut-être pour peu de temps). La promenade en car nous amena jusqu’au coeur du Parc Régional Périgord Limousin, dans la belle région nontronnaise déjà connue pour sa tradition coutelière depuis le Moyen Age. « On fait avec ce que l’on a… », c’est ainsi que la région de Nontron depuis au moins le temps des Gaulois offre tous les ingrédients pour y voir se développer des forges : un soussol riche en minerai de fer, une forêt riche, une source d’eau importante, le Bandiat et des ouvriers agricoles qui offrent une main d’oeuvre hivernale. Au fi l des ans l’activité sidérurgique s’est développée et pour « les couteaux de Pierregort » leur renommée remonte au Moyen Age. C’est au XVIIème siècle que la Coutellerie nontronnaise a commencé à prendre de l’importance.

Cette escapade dans la Région Aquitaine, en Dordogne, région Périgord , nous la devons à François Devige, Ami des moulins périgordins, mais aussi Maître Coutelier, artisan passionné.
En plus de leur accueil chaleureux à l’atelier de fabrication du couteau Nontronnais, Monsieur Devige, sa famille et son associé, ne ménagèrent pas leur patience pour nous expliquer les secrets de leurs créations. Le couteau, le «PERIGORD» est fabriqué artisanalement depuis 2003 par son créateur François Devige, dans son atelier de Nontron. Petit fi ls de forgeron, il fut passionné par les belles lames dès que son grand père lui offrit son premier couteau. Ces couteaux possèdent une virole dont le modèle est breveté. Les pièces qui les constituent sont travaillées avec grande précision, et le traditionnel rivet servant d’axe est avantageusement remplacé par une vis accessible à tout
instant et permettant le réglage du jeu, voire le démontage de la lame. Le clou de la visite : par un magnifi que escalier, digne d’une oeuvre d’un compagnon, les heureux visiteurs purent admirer une riche collection d’outils dont un moulin manuel en bois.

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Escalier – Photo G.Biotteau

A l’escale suivante, Javerlhac et la Chapelle Saint Robert (du nom de deux paroisses et communes réunies en 1823), nous sommes toujours en Périgord vert aux confi ns de la Charente et du Limousin, dans le canton de Nontron. Nous descendons à un point stratégique de Javerlhac avec d’un côté son château du XIIIème et son église (reconstruite au XVème siècle sur des ruines du XIIIème) et de l’autre son pigeonnier imposant et son moulin.

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Alambic au musée F.Devige – Photo M.Sicard

Le Moulin Martin, vestige du XIIIème siècle, est situé sur la rive gauche du Bandiat . Autre fois il était équipé de trois roues : une roue à aubes extérieures et deux rouets. Aujourd’hui il ne reste qu’une roue à aubes.

On pénètre dans une salle en terre battue, surmontée d’un grenier. La première partie est occupée par la minoterie et la deuxième partie par une meule verticale pour écraser les noix, par une poêle en fonte d’un diamètre de 94 cm pour chauffer la pâte et d’un pressoir à vis aux montants en bois. Restauré par sa propriétaire, Madame Manem, en 1985, il produit de l’huile de noix à usage familial et Madame Manem le fait visiter avec beaucoup de plaisir et
de passion.
Le premier arrêt de l’après midi est en Poitou Charente, en suivant toujours les méandres du Bandiat , à Feuillade au Moulin du Chapiteau qui a été refait par son propriétaire Jean Lavoix.
Tout est fl ambant neuf : la roue à aubes de 1m de large et 5,4m de diamètre actionne la meule à huile de noix, la poêle et la presse hydraulique.

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Groupe devant le moulin Martin – Photo G.Biotteau

Ensuite, vient la halte au Moulin de la Chaume, propriété de Patrick Agard, président de l’Association de Sauvegarde des Moulins Charentais, mais aussi président de l’Association Patrimoine et Tradition qui regroupe des moulins du
Bandiat et de la Tardoire et qui perpétue la journée portes ouvertes le troisième weekend de Février depuis vingt ans.
Au moulin, c’est la surprise, une vrai fourmilière : la meule verticale, actionnée par la roue à aube, tourne sur sa dormante et écrase les cerneaux déjà bien en pâte. Le feu est bien vif sous la poêle bien remplie de pâte, la presse est prête à entrer en action dès que la pâte sera chauffée à point. Ph301 MS . Le boulanger retire ses pains chauds du four. Les dames de l’Association s’affairent et servent la collation sur des pains chauds. Tout le monde y fait honneur. Un grand merci à toute l’équipe.
On repart pour Vilhonneur, cité de la pierre, située dans la vallée de la Tardoire. Très particulier et unique en France, ce moulin, refait à neuf est une scierie de pierre calcaire.
Il est animé par Serge et Samuel Montexier, qui outre l’accueil au moulin, les visites et démonstrations de sciage qu’ils assument, sont artistes sculpteurs. A ce titre, ils organisent des stages de formation sculpture. Ainsi se termina notre première journée après un détour à Magnac sur Touvre et la fonderie de Ruelle. Samedi, deux cars nous ont conduits à travers le pays du Cognac chez Paul Jossand, au moulin de Guélin à Saint Matial sur le Né en Charente Maritime et chez Henri Rochard au Moulin Noir à Salles d’Angles : deux des derniers moulins en état de fonctionner sur les 70 que comptait la rivière le Né.
Au moulin de Guélin on est meunier de père en fi ls depuis plus de deux cents ans, Paul sera vraisemblablement le dernier vrai meunier de ce moulin. Comme son père André, il poursuit l’oeuvre ancestrale et produit chaque hiver pour les voisins et lui-même la bonne huile de noix fruitée et jugée sans égale car elle est faite à froid.
Paul ne fait plus de farine mais tous les éléments sont là conservés dans « leur jus » dans la première partie du moulin.
J’emprunterai les vers de Marguerite Hitier**, recopié d’un ouvrage édité en 1983 pour décrire les lieux tant rien n’a changé depuis et elle décrit si bien les lieux !

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préparation de la pâte de noix chez P.Agar. Photo M.Sicard

« Bien fi xée aux chevrons pour mesurer le grain
– Et depuis deux cents ans ! – cette belle « Romaine »
Où l’on pesait les sacs témoignera demain
D’une habitude ancienne et longtemps souveraine.
Bombonnes d’aujourd’hui, « barricots » d’autrefois
Sont rangés au moulin qui depuis des années,
Reçoit tant de cerneaux et fait de l’huile de noix
Pour enrichir les mets de saveurs affi nés
La meule en tournant écrase la chair des noix
D’un mouvement égal suivant la
Demoiselle ;
Tenue par deux valets tourne l’oreille en bois
Qui ramène au bassin tous les cerneaux rebelles
Et pour terminer, le moteur dans tout ça ….
Inlassable, la roue solidaire des eaux
Etablie dans son bief, sur son axe de chêne
Recueille sans faiblir, grâce aux aubes d’ormeau
La puissante énergie que le courant amène
Elle tourne sans hâte et sans faire de bruit
On entend seulement l’eau qui pousse les pales
Un « vrou…vrou… » sourd et doux, et puis elle poursuit
Son gai ruissellemnt sous la pierre des dalles.

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Moulin de la Pyramide – Photo M.Sicard

Au Moulin Noir, il a fallu tout refaire. Henri a passé toute sa vie à le remettre lui même en état. Aujourd’hui le moulin refait huile et farine. La passion de ses propriétaires se retrouve à l’accueil au milieu d’une collection d’outils et aux étages avec des images de modes, dentelles et autres ouvrages de Dames.
Quittant ces sites magiques et les maîtres des lieux que nous remercions vivement pour leur générosité et leur volonté de conserver la mémoire des gestes et des techniques de ce vivant passé, nous retraversons le département au milieu des vignobles qui produiront bientôt cognac et pineau. Marc Léchelle nous attend en son moulin de la Pyramide à Vaux Rouillac près de Jarnac. Nous serons reçus en fanfare par le futur meunier des lieux, nous l’espérons,
qui du haut de ses trois ans (un Léchelle de la quatrième génération) nous ouvrit grand la porte avec beaucoup de fi erté. Le Moulin de la Pyramide est un moulin à vent à ailes Berthon, construit à la fi n du XXème siècle.
Les meilleurs ouvriers ont oeuvré dans ce moulin et dans la maison du meunier pour satisfaire le rêve de notre président d’honneur. Un grand moment pour tous où nous avons rendu hommage à Marc, militant pour la sauvegarde des moulins de la première heure, conseiller d’administration de la Fédération en 1967, mécène quand la Fédération s’est portée acquéreur du Moulin de la Chaussée, aidant l’Association Régionale des Amis des Moulins du Grand Sud-Ouest dans ses premiers pas, soutenant le lancement de notre revue « Le Monde des Moulins » et toujours membre de nombreuses associations de sauvegarde des moulins. Un grand merci à Marc, à sa famille et à tous ceux et toutes celles qui l’ont entouré pour nous faire une grande fête au moulin ce samedi 12 avril. Nous ne sommes pas prêts d’oublier !

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Moulin de la Pyramide – Photo M.Sicard

Notre itinéraire en Charente devait impérativement passer par les vastes plateaux calcaires dominant la vallée du Claix et ses meulières. Ce site situé sur les communes de Claix et de Roullet Saint Estéphe garde les marques d’anciennes carrières d’extraction de meules destinées aux moulins de la région et de la pierre de taille. Ces exploitations sont datées dès le XIVème et l’exploitation dura jusqu’à la fi n du XIXème siècle. La visite se fi t sous la conduite d’Alain Belmont, Professeur d’histoire moderne à l’ Université Pierre Mendès France de Grenoble (Laboratoire du CNRS Recherche Historique Rhône-Alpes) et de Mélanie Adam du Conservatoire Régional des Espaces
Naturels du Poitou Charente (CREN), en présence de nombreux élus et de Jacques Coutant, maire sortant de Claix, vice président de Moleriae qui a oeuvré auprès de Patrick Agard pour l’organisation de cette journée.

Pour parfaire cette visite, le domaine de Vigny au Maine Giraud accueillait plus de cent personnes pour écouter la conférence d’Alain Belmont : « Les carrières de Meules de Claix et du Sud-Ouest de la France » avec en préambule, la présentation du site pour la partie faune et fl ore par le CREN. Au cours du dîner Jean Paul Kerjean , maire de Roullet Saint Estéphe remercia vivement les amis des Moulins et remit la médaille de la ville à l’Association de
Sauvegarde des Moulins de Charente et à la Fédération. Ce séjour riche en découvertes a été particulièrement soutenu par les communes de Claix et de Roullet Saint Estéphe et merci encore à Patrick Agard.

Dominique Charpentier – Article paru dans le Monde des Moulins – N°25 – juillet 2008


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