Le site des Moulins de France
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Concorde, Air-Bus, CNES, Aérospatiale, Universités, Cité de l’Espace, autant d’évocations qui collent à Toulouse où nous étions réunis ce premier week-end d’avril à l’occasion du rendezvous traditionnel proposé chaque printemps par la Fédération des Moulins de France.
Forte de ses cent trente participants, la “France des Moulins” était bien représentée pour ce quatrième congrès annuel, qui comportait comme toujours deux volets, l’un consistant en la découverte de la région accueillante, l’autre étant la présentation du travail de l’année écoulée accompli par le Conseil d’Administration.

Trois groupes ont visité Toulouse pilotés par Philippe Bellan, Président des Amis des Moulins du Midi-Toulousain, Mme Gagnant, membre de l’association et une guide du groupe Artémis : la ville rose avec la place du Capitole, la basilique St Sernin, l’église et le cloître des Jacobins, les beaux hôtels dont la construction a été liée au développement du commerce du pastel.
Le premier soir, Michel Lajoie-Mazenc, Directeur de Recherche au CNRS, nous a présenté magnifiquement les moulins de la région dans son diaporama en vidéoprojection “Moulin d’ici et d’ailleurs” en mettant en évidence les diverses turbines.

Le lendemain une belle excursion nous attendait à travers le Lauragais sous la conduite de nos guides P. Bellan, M. Sicard ou M. et C. Lajoie-Mazenc. Le circuit , St Lys, St Sulpice, Montbrun, Nailloux, Avignonet, Brousses et Villaret, ou dans l’autre sens, suivant que vous soyiez à bord du “Violette” ou du “Pastel”, traversait le pays d’Oc, deux régions, Languedoc et Midi Pyrénées.

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Un groupe de participants au moulin de St Lys (Photo M-C Rivet)

Saint Lys est une bastide , située à 25 km à l’ouest de Toulouse.
Des membres de l’Association pour la Réhabilitation du Moulin de St-Lys nous ont reçu et proposé une collation pour accompagner la visite du moulin de Bélard, nom du dernier meunier. Il est l’un des rares moulins à vent restaurés dans le département de la Haute-Garonne, qui en comptait plus de cinq-cent autrefois. Le moulin est de type gascon, en briques foraines liées à l’argile de dimension 5 cm x 30 cm x 40cm. Il n’y a pas d’enduit sur la
tour comme cela était au XVIIème siècle. Le moulin fut déplacé sur le site actuel vers 1884 suite à un accident, un attelage s’étant emballé affolé par les ailes. La tour du moulin présentait au moment de la rénovation une fente qui allait de haut en bas. Pour éviter qu’elle ne s’ouvre encore plus, elle a été cintrée par cinq cercles de fer de 8 mm judicieusement masqués. Le toit est couvert de bardeaux de mélèze des Pyrénées. Le choix du mélèze est justifié par sa richesse en résine qui lui confère plus de résistance aux intempéries. L’ensemble pivote par glissement sur des “sablières” en chêne, graissées au suif. La région est sous l’influence du vent d’Autan et plus souvent du vent d’ouest qui vient de l’océan. Entouré aujourd’hui de maisons, le moulin souffre du manque de vent d’où la nécessité de le faire fonctionner avec un moteur auxiliaire de 10 CV . La remise en état de ce moulin par l’association fut l’occasion de mettre en application différents cas d’études . Un laboratoire en quelque sorte grâce aux nombreux scientifiques qui se sont investis.
On fit appel à un spécialiste de dendrochronologie pour dater certains composants de bois du moulin en prélevant une carotte de 8 mm de diamètre qui permet d’observer les différents aspects des couches de bois. La poutre de support daterait de 1630. Si les archives de 1809 indiquent que les meules utilisées dans le département, proviennent de Bordeaux ou Toulouse alors qu’on n’y trouve pas de silex, des géologues ont reconnu les micro-fossiles qui caractérisent les meules de la région de Bergerac. Par contre, on sait qu’à Toulouse il y a eu jusqu’à neuf marchands de meules.
On contourne la halle centrale du village unique en son genre par l’absence de piliers intérieurs. Un marin charentais, évoque avec nostalgie le centre récepteur de Saint-Lys Radio, mondialement connu pour les communications entre les bateaux et le continent. Ce centre fut définitivement fermé le 16 Janvier 1998.

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Moulin de St Sulpice sur Lèze (Photo E.Charpentier)

Le Moulin de Burs et le Moulin de Pesquiès.
Après avoir traversé une région doucement vallonnée aux terres très riches, nous pénétrons dans la bastide de Saint-Sulpice aux maisons à colombages. Le moulin, propriété communale, possède toit et ailes grâce à l’initiative de l’Association Gardarem Pesquiès et au travail de l’A.F.P.A. M. Sicard aime à citer que les échanges avec cette association, lui ont permis de rentrer en contact avec l’A.F.P.A pour commencer les travaux de restauration de Saint-Lys, un exemple des bienfaits et de l’utilité du réseau constitué par nos associations.
Nous empruntons le petit chemin qui mène au moulin à eau du XIIIème siècle où nous attendent Mr et Mme Aupetit, meuniers propriétaires du moulin de Burs entourés des membres de l’association. Quelques foulées le long du canal d’amenée et nous voilà dans la cour d’un bel ensemble, moulin enjambant le canal et maison du meunier attenante. Le moulin est alimenté par les eaux de la Lèze canalisée vers le bief grâce à une digue de 22 mètres. Il a possédé jusqu’à quatre meules et sa capacité de mouture était de 64 sacs de 80 kg par 24 heures. Aujourd’hui il ne reste que 2 paires de meules. Un petit groupe hydroélectrique alternateur entraîné par une turbine de type Kaplan fournit une puissance de 12Kw pour un débit de 500 l/sec. En hiver l’énergie électrique est utilisée pour le chauffage central en complément du fuel. Dans la cour un four à pain mobile attire les visiteurs, un rouet appuyé sur un arbre fait l’objet de nombreuses photos. Enfin, entre les arbres on peut admirer une dernière fois de l’autre côté de la Lèze, le moulin à vent, avant de nous diriger vers Montbrun-Lauragais, village perché à 280 mètres sur les coteaux du sud-est toulousain, dans le canton de Montgiscard.

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Moulin de Montbrun Lauragais (Photo M-C Rivet)

Moulin de Passelègue
Au moulin dit du Marquis de Passelègue, Gérard Bolet, Maire de Montbrun, et ses collègues nous accueillent et nous sommes dirigés par moitié vers le moulin ou la salle d’exposition qui est aussi un atelier pédagogique. Carine Albarède participe à la présentation. René Javelas fait admirer sa superbe maquette. Le moulin tour est en briques construit en 1680, date qui figure sur le linteau de l’une de ses deux entrées. Au rez de chaussée sont situées aujourd’hui deux paires de meules. L’une servait pour produire la farine panifiable, l’autre pour la farine destinée aux animaux. Arrêté une première fois avant la première guerre mondiale, le moulin est remis en état par Raymond Pastre, charpentier de moulin de Mourvilles Hautes entre 1948 et 1950. Son arrêt est définitif en 1962. En 1991, la commune le rachète. Et il est restauré en 1999 avec le concours de l’Association du Midi Toulousain, la Commune, le Conseil Général, le Conseil Régional, la Drac et le Service Départemental de l’Architecture. La tour est enduite à l’extérieur. Il est inscrit aux Monuments Historiques depuis le 24 mai 1965. Il a fière allure à côté de
la jolie maison de meunier toute en briques rouges. Il restera le témoignage d’une volonté de développement durable en utilisant un patrimoine ancestral dont la nouvelle utilisation lui confère des qualités pédagogiques et touristiques, pour ce village de 495 habitants.

Un moulin rouge à six ailes sur l’autoroute A66 : on ne recule devant rien dans ce pays de cocagne. Aux portes de l’Ariège, Nailloux, un village situé sur les côteaux sud du Lauragais à 35 km de Toulouse, possédait au début du siècle dernier, sur ses hauteurs, un moulin à six ailes. Ce moulin était construit au milieu du village tout près de la rue principale, au dessus d’une habitation, celle du meunier. Le propriètaire de la maison située en face du moulin, surélève d’un étage son logement. Le moulin manque d’air ? Qu’à cela ne tienne, notre meunier modifia l’arbre moteur, en perça la tête de trois lumières au lieu de deux et mit six ailes à son moulin, ce qui est unique en Lauragais. La reconstruction du moulin dans un vaste projet de Colaursud fait partie intégrante de la démarche du 1% paysage de l’A66.

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Moulin de Nailloux à six ailes (Photo M-C Rivet)

Un autre mot évocateur de cette région : “cassoulet”.
On raconte qu’au cours du siège de Castelnaudary pendant la guerre de 100 ans (1337 – 1453), fut cuisiné le premier “estofat” aux fèves. Réunissant toutes les réserves disponibles, les cuisiniers et cuisinières de cet ancien temps préparèrent un plat unique composé de fèves et de viandes diverses pour redonner force aux valeureux défenseurs de la cité. La recette du cassoulet de Castelnaudary était née. Les haricots, ramenés d’Amérique par
Christophe Colomb, ont remplacé les fèves à partir du XVIème siècle. A l’auberge du Pastel à Nailloux, face à la chaîne des Pyrénées, surplombant le lac de la Thésauque, celui que nous avons dégusté était fameux.

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Cassoulet à six cuisses ! (Photo M-C Rivet)

A Avignonet, dans une zone balayée par le vent d’Autan, les dix éoliennes géantes fournissent chacune 800kw d’électricité. Placées en double ligne au nord de la commune, elles profitent des vents dominants Nord-Ouest et Sud-Est sur une zone à vocation agricole. Mises en service en 2002, la puissance totale installée est de 8 Mw et la production nette est estimée à 20 000 Mwh par an, ce qui correspondrait à la consommation moyenne en électricité de 21 000 personnes. Ne nécessitant pas d’exploitant sur le site, un local technique aménagé dans le corps d’une ferme reçoit le système de supervision nécessaire à la maintenance.
Au col de Naurouze, là où le canal est à son point le plus élevé, un obélisque est dédié à la mémoire de Riquet.
Le Canal du Midi est facilement remarquable par sa double rangée de platanes.
Avant d’atteindre Brousses et Villaret dans le département de l’Aude, nous traversons Castelnaudary, imaginant ses 30 moulins qui ont écrasé blé et autres céréales dans les temps anciens.

Le Moulin à papier de Brousses et Villaret.
En 1674, le versant sud de la Montagne Noire figurait parmi les centres papetiers les plus fameux de la province du Languedoc. Le moulin de Brousses est un musée vivant qui met en valeur les techniques anciennes et les moteurs hydrauliques. Longeant la Dure, un chemin botanique de 400 m conduit au moulin de la famille Durand qui nous accueille. Le premier papetier s’installe en 1698, il s’agit de la famille Polère. Colbert crée des manufactures royales de draps en Languedoc, deux sont installées sur la Dure à Cuxac-Cabardès (1680) et à Montolieu (1734). Les papetiers fournissaient le papier absorbant pour emballer les draps, expédiés jusqu’en Orient. La famille Chaillat, dont descendent nos guides s’installent au moulin en 1877.

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Moulin de Brousses et Villaret (Photo E.Charpentier)

Jusqu’à 1981, le papier était fabriqué en machine mue par une roue à augets. Le site est abandonné pendant treize ans mais en décembre 1993, l’Association du Moulin à Papier de Brousses est créée et entreprend la restauration du site pour en faire un lieu de découverte, d’initiation, de création et de production artisanale. Tous les papiers sont fabriqués à la forme à main, à base de lin, chanvre, coton, et alfa (papier blanc), de fougère, lavande, ortie, feuilles de tilleul, paille de riz, rafle de raisin, crottin de cheval et chiffon de couleur (jean’s).
Le Moulin est ouvert au public depuis avril 1994. Une grande salle expose meuleton, historique du papier, pile hollandaise, maquette de pile à maillets, peinture géante, robes en papier, filigranes, marques du papetier etc…
Le papier se compose d’un élèment essentiel : la cellulose (fibres : le squelette des végétaux).
Son extraction se fait par procédé chimique en industrie depuis le XIXème siècle. Pour récupérer la cellulose, il faut éliminer la lignine, chair du végétal, et les acides, par la cuisson à la lessive de soude. La couleur blanche est obtenue par adjonction de chlore ou d’eau oxygénée. En 1841, M. Tripos déposa un brevet pour fabriquer du papier à partir du crottin de cheval (la cellulose n’est pas digérée par les herbivores non ruminants). D’où l’idée de faire du papier avec du crottin d’éléphants de la Réserve de Sigean (Aude). Un tour dans le magasin de vente, riche en papiers originaux, articles de correspondance, poèmes, maximes, gravures, livres divers, compléta cette visite commentée avec passion.

Au retour, Germain Sicard, Professeur d’Histoire du Droit, nous présenta “les Moulins de Toulouse au Moyen Age” On comptait à Toulouse à la fin du XIIème siècle, soixante moulins flottants (moulins à nef à roue à aubes verticales) répartis en trois quartiers : Bazacle, Château Narbonnais, La Daurade. Au fil des ans, on y retrouvera des moulins terriers à blé, des moulins-foulon, des moulins à tan et à pastel, à aiguiser les faux et les couteaux, à martinets, à papier puis à poudre et à scie. Dès 1138, parmi les premières sociétés par actions, se trouvent, au XIIème siècle, les moulins de Toulouse. Chacun pouvait posséder des parts de moulins, qu’on appelait “uchaus” qui
pouvaient s’échanger devant notaire. G. Sicard a été le premier à montrer le mécanisme de concentration capitaliste qui s’est produit au XIIème siècle. C’était la plus vieille société par actions du monde.

Encore un beau voyage où chaque participant a pu échanger, comparer, s’imprégner des expériences des uns et des autres et c’est ainsi que notre réseau fonctionne et que nous continuerons à perpétuer des témoignages sur les moulins et à sensibiliser les élus pour une politique durable de préservation du patrimoine en particulier pour celui qui nous préoccupe. Nous avons apprécié la participation de Mme Maury, vice-présidente du Conseil Général de Haute-Garonne.
Pour ceux qui le désiraient, ce séjour s’est terminé par la visite du Musée du Pastel au Château de Magrin ou du seuil de Naurouze et du moulin à six ailes de Nailloux.
Merci à tous nos amis organisateurs du Midi Toulousain, P. Bellan, A. et A.Duval, R.Javelas, J.G.Malet, N. et M.Sicard et tout particulièrement Claudine et Michel Lajoie-Mazenc qui n’ont pas ménagé leur peine pour préparer ce séjour et en assurer la réussite.

Dominique Charpentier – Article paru dans le Monde des Moulins – N°17 – juillet 2006


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