Si, dans les années 60, quelques parisiens initient un mouvement de sauvegarde de moulins, dans les années 90, des associations de sauvegarde de moulins se constituent d’une façon accélérée, l’Auvergne en est l’exemple puisque c’est en 1993 que Jean-Luc Burel lancera cette association régionale. L’ARAM Auvergne compte un peu plus de 200 adhérents.
L’équipe dirigeante, sous la présidence actuelle de Madame Madebène, mène un travail de fond. Ainsi, cette région s’est dotée d’un Centre de Ressources, organise des voyages en France et à l’étranger, suit de près l’actualité sur le statut du moulin et l’évolution des lois qui le régissent, organise des manifestations annuelles, met tout en oeuvre pour que les moulins puissent recevoir des scolaires… Une association dynamique comme on les aime, ouverte aussi bien vers l’Europe que vers les organisations nationales de sauvegarde des moulins.
Une soixantaine d’adhérents de France s’est retrouvée autour de Michèle Madebène et de son équipe, du 5 au 7 septembre. Empruntant la route des Moulins d’Auvergne, les participants ont eu beaucoup de plaisir à laisser leur regard se perdre sur les panoramas de cette belle région marquée par les volcans, entre deux visites de moulins, des moulins aux multiples utilisations et pour la plupart encore bien vivants.
Moulin de l’étang. Photo Monique Yot.
Le Moulin de l’étang est situé à Bourg-Lastic, à l’ouest du département du Puy-de-Dôme, à 3 km du département de la Corrèze, au sud de la région des Combrailles. Ce lieu est entouré de forêts, d’étangs, de rivières, à côté des Gorges du Chavanon et tout près du dernier volcan de la Chaîne des Puys : le Préchonnet.
Le Moulin de l’étang est un moulin banal construit par le seigneur Gilbert Alyre, de Langeac, en 1734, à l’usage de filature, carderie, teinturerie (moulin foulon, moulin à indigo). L’Auvergne avait alors une place importante dans la culture du chanvre et exportait en Europe. Dans la famille depuis 1910, il a fonctionné comme filature carderie jusqu’à la guerre de 39-45. Pendant la guerre, on y faisait du charbon de bois. Ensuite, il a été repris comme moulin à pierre : la barytine était extraite dans les mines voisines et y était amenée pour être concassée en particules fines utilisées par l’industrie, jusque dans les années 1960. Par la suite, le moulin est resté sans activité, à l’abandon, plusieurs bâtiments avaient alors disparu, l’étang était devenu le lieu de loisirs de Bourg-Lastic pour la baignade, la pêche… Il a été très difficile de faire reconnaître que c’était un lieu privé.
Site du Moulin des Desniers. Photo Monique Yot.
Le Moulin des Desniers est un ancien moulin du XVIIe siècle comme l’attestent des écrits retrouvés aux Archives Départementales. Il est situé au coeur du Parc Régional des Volcans d’Auvergne, sur la commune de Charbonnières- les-Vieilles, tout près du Gour de Tazenat. Le ruisseau déversoir du Gour, nommé le Gourrou, se jette quelques kilomètres plus loin dans la Morge : c’est près de cette confluence que se trouve le Moulin des Desniers.
Sa longue histoire est ponctuée de hauts et de bas, comme souvent avec nos moulins. Sa renaissance, il la doit à Jean-Luc Burel et Madeleine Guillaumot qui ont racheté ce moulin en décembre 1988 et ont lancé l’Association du Moulin des Desniers. Aujourd’hui, ce sont les descendants et Claude Catteau qui ont rebâti un four à pain pour donner plus d’attrait à la visite des lieux.
Claude Catteau accueille et anime les visites. Chaque troisième dimanche d’octobre, les membres de l’Association du Moulin des Desniers se retrouvent pour proposer le jus de pomme et le pain fabriqués tous deux sur place dans une ambiance de fête qui réunit, au fil des ans, de plus en plus de curieux : c’est la fête du Pressoir.
www.moulindesdesniers.fr
Le Moulin à huile de noix de Sayat a été construit en 1850, en bordure du cours d’eau Le Bedat, et constituait l’un des 17 moulins artisanaux de l’époque. Il a été exploité jusqu’en 1961 et gravement endommagé suite
à une inondation en 1964.
En 1993, l’Association Le Grand Vert (alors chargée des chemins de randonnée), suite à un pari avec la commune, remet en état le moulin. Pendant six ans, tous les samedis matins, tous les bénévoles et bonnes volontés diverses s’affairent à remettre le moulin en état. Le 20 décembre 1999, coule la première goutte d’huile. Chacun apporte ses cerneaux pour faire son huile, ceux-ci sont pesés, on prépare des serrées de 22 kg environ qui sont écrasées par deux meules en arkose. La pâte est cuite sur un four à bois (température de la plaque 250 degrés environ, disposant d’une hélice débrayable lui évitant de s’attacher) lui assurant une cuisson uniforme.
L’huile de noix est extraite sous presses hydrauliques (eau et main). Le « maton » est concassé et donné aux clients pour la pâtisserie ou divers autres usages. Ce moulin est un lieu d’amitiés et de rencontres.
Le moulin à farine, situé en face du moulin à huile, a été acquis en 1986 par la commune, tout comme le précédent. Il a été bâti en 1840 et a été actif jusqu’en 1952.
Il a été rénové par la Communauté de Communes « Volvic Sources et Volcans ». Actuellement inoccupé, le moulin attend une seconde vie mais sert de support pour des manifestations diverses et est ouvert à la visite.
Le groupe des participants. Photo Monique Yot.
Le Moulin-Musée Richard de Bas, à Ambert (Puy-de-Dôme), retrace l’histoire de la fabrication du papier. Son existence est due à un homme, Marius Péraudeau, créateur du musée, qui l’a réhabilité et lui a redonné vie.
Depuis 1943 maintenant, le Moulin Richard de Bas accueille les visiteurs. Ils sont près de 3 millions à avoir franchi le porche du musée en 69 ans.
Apprendre comment vivaient les papetiers autrefois, apprendre l’histoire du papier depuis ses origines, s’immerger dans le lieu magique des moulins à eau, mettre la main à la pâte lors des ateliers, sont les objectifs du site.
http://www.richarddebas.fr
Richard de Bas. Photo Monique Yot.
Au Moulin de Graveyroux, à Saint-Dierd’Auvergne (Puy-de-Dôme), ce merveilleux moulin fabrique une délicieuse farine, qu’elle soit de blé, de seigle et même d’orge ou de châtaigne, sous la main experte de Robert Chabrol, le meunier. Si Robert a réussi à passer par-dessus tous les obstacles et tous les pièges que l’évolution technique et économique lui a infligés, c’est d’abord grâce à son opiniâtreté, sa ténacité, son courage et ses compétences professionnelles. Une rutilante rangée d’appareils à cylindres accueille le visiteur, appareils qui, malgré leur âge, ont été si bien entretenus qu’ils sont comme neufs. Pas une goutte d’huile n’ose s’échapper des paliers, pas une vibration, car chaque machine tourne à un débit raisonnable et un réglage parfaitement maîtrisé. Aux quatre étages, appareils de nettoyage du blé, de blutage de la mouture, de manutention horizontale et verticale des produits en cours de traitement, partout le même spectacle de machines qui semblent sortir de chez le constructeur tellement elles ont été bien entretenues.
Avec art de la pédagogie, Robert Chabrol, un passionné, un connaisseur et un amoureux du blé, de la farine, du son, mais aussi de ses machines, explique le fonctionnement complexe de son usine. La force motrice de son moulin lui est délivrée par la Dore qui coule au pied du moulin en entraînant une turbine qui, par un jeu de transmissions de poulies et de courroies, fait tourner l’ensemble de l’installation.
Le meunier parle mieux que n’importe quel écologiste ou technicien spécialisé de la vie de sa rivière qu’il connaît dans tous les détails, en commentant les absurdes textes à la mode qui voudraient établir une continuité pseudo-écologique des rivières en obligeant les riverains à supprimer toutes petites retenues qui permettent à l’eau d’aller sur les turbines. Quand Robert Chabrol s’est installé au Moulin de Graveyroux, il y a une cinquantaine d’années, il y avait près de 60 moulins sur l’ensemble de la vallée de la Dore et aujourd’hui, il n’en reste qu’un seul, le sien.
Le Moulin de Villonne (Allier) a vu le jour en 1886. Jean Auguste Perronin et sa femme Louise Esmelin, descendants de meuniers depuis de nombreuses générations, décident de construire un moulin, cherchent un site. Ils choisissent celui de Villonne, sur la commune de Durmignat, demandent l’autorisation et les droits d’eau qui suscitent une enquête le 10 septembre 1886 et les travaux commencent. C’est un bâtiment assez important pour l’époque avec 4 niveaux. Ils installent 3 paires de meules de 1,5 m de diamètre dont 2 pour la farine et 1 pour la « méclaille » ; 3 bluteries assuraient le tamisage, le tout entraîné par une roue de 3,80 m de diamètre sur 1,50 m. Pendant 20 ans, le moulin a tourné à plein régime, la population était nombreuse : en 1896, il y avait 5 domestiques.
Moulin de Villonne. Photo Monique Yot.
En 1905, compte-tenu des techniques modernes et des besoins de plus en plus importants, ils décident de transformer de fond en comble l’installation et d’en faire un moulin important pour la région : suppression de 2 meules remplacées par 4 appareils à cylindres, un plansichter, une bluterie centrifuge, un nettoyage complet ainsi que 3 silos de stockage et une machine à vapeur pour pallier au manque d’eau. Bien secondé par ses 3 fils (dont un est tué à la guerre en 1915), le père décède à son tour en 1919. Le deuxième fils meurt en 1923. Il reste Jean-Baptiste, seul avec sa mère. C’est lui qui reprendra l’affaire et continuera la modernisation. Il remplacera les chevaux par un camion de 5 tonnes, placera une mélangeuse à farine, en 1924, un diesel et, en 1928, une turbine en remplacement de la roue.
En 1927, il épouse Andrée Peyrin, fille de meunier. Ils auront 2 fils : Georges, l’actuel propriétaire et Paul, qui prendront la suite de leur père et continueront l’activité jusqu’en 1969, date de fermeture définitive.
Georges gardera le moulin, et avec l’aide de ses deux fils, très passionnés (le sang de meunier doit encore couler dans leurs veines), décident de tout restaurer ; mais un moulin sans roue n’est à leurs yeux pas un moulin, c’est ce que les visiteurs recherchent. Après avoir récupéré du matériel, ils décident de faire un moulin à l’ancienne. Ils construisent un bâtiment à la place d’un hangar, mettent en place 2 paires de meules avec tout le mécanisme nécessaire et fabriquent de toute pièce la roue. De plus, un matériel exceptionnel est dans le moulin. Et maintenant, tout marche, mais que de passion et surtout de travail !…
Ce dernier voyage fut une franche réussite grâce à l’engagement et à l’aimable accueil de nos amis auvergnats que nous remercions de tout coeur.
D’après les informations transmises par Madame Madebène – Article paru dans le Monde des Moulins – N°51 – janvier 2015
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